Début janvier 2017 voit la sortie française du film ” The Birth of A Nation “, film aussi attendu que controversé. Dévoilé pour la première fois sur grands écrans aux Etats-Unis le 7 octobre 2016, ce film aura réussi à faire autant parler de lui avant qu’après sa sortie, et ce pour des multiples raisons.
Le sujet déjà, ne pouvait qu’attirer l’attention à Hollywood. En effet, le film ” The Birth of a Nation ” s’intéresse frontalement à la question de l’esclavagisme, et pose sans fards des images dérangeantes sur la condition des esclaves noirs en Amérique avant la guerre de Sécession. Le scénario reprend un fait réel bien que méconnu : la révolte d’esclaves et d’hommes libres Noirs, le 21 août 1831, dans le comté de Southampton en Virginie, menée par l’Afro-américain Nat Turner. De toute évidence, le sujet est franchement sensible aux Etats-Unis, d’autant plus dans le contexte difficile de l’année 2016, entre bavures policières, montée du racisme, et élections américaines opposant deux hommes politiques aux convictions idéologiques opposées.
Dès le début de son tournage, The Birth of A Nation a été largement commenté dans les médias et la comparaison avec l’oscarisé 12 Years a Slave lui a assuré une médiatisation très importante. Néanmoins la campagne de communication a très vite été entachée par la résurgence d’une sombre affaire autour du réalisateur Nate Parker. Celui-ci a été jugé à 19 ans dans une affaire de viol sur une étudiante avec un de ses amis, Jean Célestin, qui n’est ni plus ni moins que le co-scénariste du film aujourd’hui.
Le magazine américain Variety a révélé l’affaire au cours de l’été 2016, mettant à mal la réputation du scénariste et posant les fondations d’une polémique nationale et internationale autour de ce film, qui semblait si bien parti pour les Oscars. Différentes personnalités se sont exprimés à ce sujet, alimentant le débat. Deux réalisateurs Noirs se sont demandés dans les pages de Variety si cette affaire ne refaisait pas surface pour « empêcher que l’on parle d’une très importante oeuvre d’art » faisant écho notamment à la quasi absence d’artistes Noirs aux Oscars (la fameuse polémique « oscar so white ») et à Hollywood en général. Le film a aussi reçu le soutien du révérend Al Sharpton figure emblématique de la cause noire américaine, qui voit dans la controverse une manœuvre visant à « tuer le message en salissant le messager ».
Mais d’autres personnalités, dont des intellectuelles féministes ont appelé au boycott du film, notamment Roxane Gay, l’une des plus influentes d’entre elles, qui annonce qu’elle n’ira pas voir The Birth of A Nation : « aussi bon ou important qu’il soit, je ne peux placer la valeur d’un film au dessus de la dignité d’une femme dont l’histoire devrait être vue comme aussi importante, une femme qui n’est plus parmi nous pour en parler, se défendre et obtenir justice ». En effet, même si Nate Parker a été acquitté dans cette affaire, il n’en reste pas moins l’auteur d’un viol sur une jeune fille inconsciente et ivre à ce moment là, qui s’est d’ailleurs suicidée à l’âge de 30 ans.
Porté à bout de bras pendant 7 ans, financé de façon indépendante et tourné en seulement 27 jours, la sortie de ce film marque clairement la fin d’un chemin semé d’embûches pour son réalisateur mais pas la fin des controverses. Cette affaire nous pose une question cruciale, en tant que spectateurs. Une œuvre doit-elle toujours être déconnectée de son auteur ? Peut-on apprécier un film sans aucun jugement sur celui qui l’a pensé ? Hypee n’a pas la réponse à ses questions, c’est à chacun de déterminer son point de vue, sur la nécessaire séparation ou non, de l’œuvre et l’artiste. Dans tous les cas on ne peut que saluer la volonté de reprendre le titre existant de The Birth of Nation, film sorti il y a 100 ans qui mettant en scène l’histoire des Etats-Unis mais dont l’auteur, membre convaincu du Ku Kux Klan consacrait le racisme et l’idéologie de la « white supremacy ».
Pour le reste, c’est à vous de juger !